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Imaginer, créer, développer, innover... Le Blog du groupe DCF

DCF sur creargos.com

Article paru le 30 mars 2010 sur le site creargos.com 

Promoteur poète, DCF sauve l'ensemble Renaudie de Villetaneuse

La cité des poètes de Pierrefitte-sur-Seine (93) sera détruite et la mobilisation d'un collectif d'architectes n'y pourra rien. Il y a six ans, un même destin était réservé à l'ensemble de logements sociaux imaginé par Jean Renaudie à Villetaneuse (93). DCF, promoteur privé, et son président Edouard de Penguilly ont relevé le pari d'une restructuration. Une réussite !  

 

En 2003, une "utopie urbaine crédible" était menacée de disparition. L'ensemble de logements sociaux dessiné par Jean Renaudie à Villetaneuse était promis à une démolition prochaine. Le permis signé, les entreprises pouvaient démarrer le chantier.

Serge Renaudie, fils de Jean Renaudie, militait alors pour la préservation de ces logements sans pour autant en faire un acte personnel. "On démolit une culture qui a su réfléchir et nous donne encore à réfléchir", assurait-il en novembre 2003. 

Le CROA-IdF (Conseil Régional de l'Ordre des Architectes d'Ile de France) s'empare alors du dossier et appelle de ses vœux le lancement d'une pétition. L'initiative porte ses fruits. En janvier 2004, les ministères de la Culture et de la Ville prennent conscience des faits et annoncent la création d'une mission d'inspection.

 

  

perse renaudie

 

Parallèlement la communauté d'agglomération Plaine Commune, en cherchant une alternative à la démolition, avait notamment pris contact avec DCF, promoteur privé. Son président, Edouard de Penguilly, se remémore sa première visite du site. "Ce n'était rien d'autre qu'une ruine neuve", confie-t-il, jugeant qu'"il y a eu des déviations qui ont fait perdre l'âme du projet", un constat confirmé plus tard par les plans originaux que Serge Renaudie lui confia.

La décrépitude de l'ensemble est alors expliquée par des loyers trop élevés. Certains appartements n'auraient, selon Edouard de Penguilly, jamais été occupés. "L'immeuble s'est vidé de lui-même" explique-t-il.

Dès lors DCF avait une vision claire de ce qui pouvait être fait. "Plaine Commune m'a demandé de rédiger une note, confiée par la suite aux inspecteurs qui l'ont reprise dans leur rapport" poursuit-il.

Le promoteur avait en effet edicté une suite de principes simples. Il était question, entre autres, "de considérer que l'architecture de Renaudie était un manifeste sur l'habitat et qu'elle était la vision d'une idée. A ce titre, elle était une composante du patrimoine contemporain", explique Edouard de Penguilly. Qui rappelle que "la qualité d'un bâtiment se mesure en partie sur sa capacité à changer d'usage". En conséquence, il avait préconisé la transformation de l'immeuble, de logements sociaux en accession à la propriété, et ce, au prix du marché de Villetaneuse.

plan renaudie 

"J'ai vu à Ivry la capacité des habitants de s'approprier l'architecture. Dans le secteur locatif, l'espace n'était pas investi", analyse-t-il. Dès lors que DCF obtient le projet, ses intentions se retrouvent au cœur d'une polémique. "Un promoteur privé face à un échec social, un promoteur privé qui remet une architecture manifeste en état, ce n'est

pas normal", ironise Edouard de Penguilly.

Toutefois, élus, DDE, ANRU et l'Etat d'une façon générale ont soutenu le projet. La note rédigée par DCF est alors devenue feuille de route. Surtout, au-delà de l'architecture, Edouard de Penguilly s'attache au contexte. "L'urbanisme avait changé et l'immeuble était à l'origine en face de la mairie et d'un carrefour culturel. Le site qui était un 'centre' est devenu une 'périphérie'", explique-t-il évoquant le déménagement de l'hôtel de ville un kilomètre plus loin.

 

L'ensemble Renaudie était alors orienté vers ces hauts lieux de la municipalité. Adossé à la butte Pinson, il était impossible d'en faire le tour. "J'ai exprimé la volonté de créer un îlot urbain. Plaine commune a suivi en réalisant une voirie qui tourne autour, ce qui permet la porosité de l'immeuble face à la vie sociale", raconte le promoteur.

 

Cette porosité est inextricablement liée au besoin de définir clairement l'espace. "L'immeuble est construit sur une dalle qui distribue les immeubles sans qu'on ne puisse savoir si elle est du domaine public ou privé. Ce lieu où il ne se passe rien est à l'origine d'une incertitude psychologique", dit-il évoquant le souvenir de Berlin, un "entre-deux sans aucune comparaison".

 

Il s'agissait donc d'anéantir toute ambiguïté et de parfaire l'identité des lieux. Aussi la dalle est-elle devenue un espace vert et des halls ont été aménagés en relation directe avec la ville.

Concernant les espaces intérieurs, la proposition est plus radicale. In fine seule la structure est conservée afin de "redistribuer les cartes", notamment en rompant avec une vision conservatrice de la cuisine indépendante pour réaliser des cuisines en premier et deuxième jour à l'américaine.

 

Le projet est donc assimilé à une opération de destruction-reconstruction où il ne restait que l'enveloppe en béton. "L'architecte des Bâtiments de France nous a donné un blanc-seing", se félicite Edouard de Penguilly pour qui l'idée première était de respecter le manifeste de Renaudie.

 

"On souhaitait que je travaille avec un architecte de renom. Chacun aurait apporté son identité sur l'architecture de Renaudie. A mon sens, il fallait d'avantage un architecte reconnu tant pour sa connaissance de l'art d'habiter que pour sa modestie. Aussi François Borel-Casanova nous est apparu être un choix pertinent", dit-il.

 

Dès lors, selon Edouard de Penguilly, il ne fallait pas mettre en œuvre une interprétation mais restaurer une architecture patrimoniale. "Nous retirons de ce projet que l'architecture de Renaudie est adaptable, c'est une réussite. L'architecture récente peut avoir une valeur telle qu'elle mérite qu'on se penche sur sa réalité", explique-t-il.

 rue renaudie 

C'est finalement en passionné d'architecture qu'Edouard de Penguilly conclut. "Pendant des années, beaucoup ont pensé que la forme était une finalité alors que le mode d'habiter ne l'était pas. L'image dans la revue prime quand la valeur d'usage demeure en arrière-plan. La jeune architecture a une psychose de l'objet publiable", affirme-t-il expliquant notamment que les normes BBC ne sont pas un surcoût dès lors qu'elles sont pensées dès le premier coup de crayon. "C'est un échec financier de vouloir plaquer la technologie sur l'objet", poursuit-il.

 

D'un regard éclairé sur l'architecture nait une position originale. Ainsi, le hasard n'y est pour rien si DCF a su se saisir d'un dossier a priori difficile. La réadaptation 'modeste', au sens pudique, de l'ensemble imaginé par Renaudie, sans doute critiquable par quelques puristes, permet toutefois la transmission d'un héritage architectural mis à mal par une gestion inadéquate. DCF signe donc une prouesse, économiquement viable. Les "jardins Renaudie" sont un succès commercial. Tous les logements ont été vendus et l'opération est livrée prochainement.

 

 

Jean-Philippe Hugron

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